jeudi 4 juillet 2024

Camera Silens, Réalité LP (1985)

Un de mes classiques chéris, qui ne fut pourtant pas un coup de foudre lorsque je l'ai fait tourner la première fois sur la platine. 
Acheté 56 francs (à peu près 8,50 euros) chez New Rose en 1986 pour le morceau Squat et son intro de basse géniale que j'étais parvenu à enregistrer sur une K7 pérave au cours d'une émission de radio FM, probablement Radio Trouble-Fête (Limoges) qui a grandement contribué à ma culture musicale. Ce fut un achat par opportunisme car en fait les morceaux de Camera Silens figurant sur les compilations Chaos Productions (Pour la gloire, Semaine rouge) étaient loin d'être dans mes charts punk perso. Mais j'étais là, il était là : trop beau, trop tentant. Tiens, je viens de regarder par curiosité son prix sur discogs : un type le vend 399 virgule 99 euros (encore un fomb qui se prend pour un hypermarché). Remarque, la boutique du site de Camera le met à 160... 
Autant leur acheter une des belles rééditions d'Euthanasie à 14 euros. 
Ce disque a près de 40 ans, et tout le monde l'a sûrement au minimum déjà sur ses disques durs. 
En fin de compte, ces années d'écoute me l'ont rendu indispensable. Autant pour la musique et ce son de guitare unique que pour les textes vraiment très sombres dans l'ensemble qui dépeignent leur vie marginale avec sincérité : squats, drogues, prison, alcool, violence certes mais aussi fêtes, délires, amitiés et unité. Je ne peux que recommander la lecture du bouquin incontournable initié par Patrick Scarzello Camera Silens par Camera Silens* et le livre du regretté Gilles Bertin Trente ans de cavale, ma vie de punk** qui sont des ouvrages que j'ai trouvé remarquables et prenants dans leur intégralité, que je relirai avec certainement un plaisir intact.

L'idée de monter un groupe ensemble germe courant 1981 dans la tête de Gilles Bertin et Benoit Destriau, très motivés à être punk et à faire peur aux gens*. Ils choisissent ensemble le nom du groupe qu'ils trouvent dans un livre sur la bande à Baader, Fraction Armée Rouge qui les fascine : Camera Silens, les cellules d'isolement sensoriel total destinées aux terroristes dans les prisons allemandes.
Ils connaissent Philippe Schneeberger depuis 1980 et comme celui-ci est un vrai musicien (il a une formation de batteur jazz et joue de la batterie depuis le début des années 70), Gilles et Benoit le débauchent, c'est le cas de le dire... Beaucoup trop car celui qu'ils appellent le Schné finira par fuir et disparaitre dans la nature avant que l'album Réalité ne le devienne... 
Gilles prend la basse et le chant, Benoit la guitare et chante également. Ils parviennent à "se dégotter" du matos (amplis etc.) - ce qui leur vaut une garde à vue et 6 mois de prison avec sursis -, composent comme ils peuvent et rapidement les premiers morceaux sont prêts.
Ils commencent à jouer en concert, toujours suivis par une cohorte d'ami(e)s fidèles principalement punks et squatteurs. Un following où qu'ils jouent, quasi à l'anglaise. En octobre 82 le groupe se voit convié par l'association Rockotone au festival Boulevards du rock qu'elle organise avec FR3. Camera Silens finit second derrière un groupe qui s'appelle Noirs Désirs, qui se désiste finalement suite à une querelle interne, et c'est notre trio de pieds nickelés qui récolte le prix prévu pour le nominé : l'enregistrement d'un album !   
Outre ce prix, l'accueil favorable du festival les conduit aussi vers l'enregistrement d'une maquette au studio Deltour à Toulouse. Quatre morceaux sont mis en boite: Suicide, Semaine rouge, Squat, et Camera Silens. Ils participent également aux deux compilations Chaos.

Cependant, un problème survient : Gilles se fait coffrer pour de bon cette fois à la prison de Gradignan, pour deux braquages de villas : 9 mois fermes en tout. Pendant son temps en zonzon, Eric Ferrer, ami d'enfance du Schné, le remplace à la basse, et Benoit a recruté le batteur des Brigades Bruno Cornet (car le Schné a bien rippé ses galoches de Bordeaux, traumatisé notamment par une agression liée à la drogue dont il a été victime collatérale et qui s'est fini de manière sanglante mais miraculeuse). Les autres n'entendront plus jamais parler de lui.  
Eté 84, Gilles sort de taule, laisse la basse à Eric et devient "hurleur en chef"** de Camera Silens. Le groupe peut enfin enregistrer le fameux album au studio du Manoir dans les Landes, en une quinzaine de jours. Le studio co-produit même l'album pour les frais de mix. Le disque ne sortira pourtant que 7 mois plus tard: le label orléanais Chaos Production qui est naturellement pressenti ne veut pas payer la SACEM, "c'est pas très punk"*, mais les musiciens y tiennent. Un mécène entre dans la ronde et allonge ce qu'il manque pour le sortir. Il ne reste plus qu'à le distribuer  et Camera Silens pensent à Patrick Mathé de New Rose qui leur fait généreusement signer un simple contrat de distribution avec une répartition des royalties à 50% de part et d'autre: une offre en or d'un passionné. 
Le premier tirage sera de 2500 copies et en tout jusqu'en 2007 le total atteindra 8500 exemplaires. Total qui sera décuplé par toutes les rééditions qui suivront en vinyle, en cd et même en picture disc. A ce jour le dernier repress date de 2022 et fut encore l'oeuvre d'Euthanasie.
Réalité mérite grandement son status de disque iconique du punk français. Un pan de vie. 
Le voici s'il y en a encore qui ne le connaissent pas !  


le polo Lacoste m'a toujours piqué les yeux



2-3 accessoires...

cf cette belle chronique du bouquin dans ce blog. (© photos Luc Akerbeltz)
rue Ramonet à Bordeaux






3 commentaires:

  1. toujours la classe ce disque. D'accord avec toi pour les livres. Je les ai acheté aussi, mes lectures de l'été dernier d'ailleurs. Un régal.

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  2. Encore écouté la semaine dernière...

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